Marc Chagall

Tout le monde connaît le diction : " Les voyages forment la jeunesse". (Non ce n'est pas de Montaigne, l'origine est inconnue).

• Travel broadens the mind, voyager nourrit l’esprit. (Anglais)
• Viajar es abrir la mente, voyager, c’est ouvrir l’esprit. (Espagnol)
• Vivre est quelque chose pour apprendre, mais voyager est mieux. (Turc)
• Si tu n’as pas étudié, voyage. (Foufouldé)
• Voyager ajoute à sa vie. (Berbère)
• Quiconque voyage beaucoup, s’instruit. (Zaïrois)
• Celui qui ne voyage pas ne connaît pas la valeur des hommes. (Maure)
• Qui a beaucoup voyagé est mieux que qui a beaucoup vécu. (Marocain)

Aujourd'hui, j'ai compris que ce dicton était bien vrai !

Il y a quelques années maintenant, mes parents avaient décidé de s'installer en Haute-Savoie.

J'ai habité là-bas, durant quatre ans. La première année j'étais au Plateau d'Assy, proche de Sallanches, en face du Mont-Blanc.

J'avais quatre ans et j'allais à l'école maternelle dans ce petit hameau.

Non loin de l'école se trouvait une petite église : Notre Dame de toute Grâce.

Cette église, petite par la taille, dans un tout petit hameau de montagne est, d'une grandeur exceptionnelle, reconnu dans le monde entier, mais peut-être moins connu par les bretons.

En ce mois de septembre, mon frère a été, avec sa classe, voir l'exposition sur Marc Chagall à Landerneau.

Je n'ai pu m'empêcher de repenser à cette grande petite église.

Vous vous demandez pourquoi ?

Quel rapport avec Marc Chagall ?

Et bien je vais vous l'expliquer.

Dans cette église,

Marc Chagall a décoré les murs des fonts baptismaux sur le thème de la lumière et de l'eau.

Céramique représentant Le passage de la Mer Rouge, thème souvent utilisé par Chagall, depuis son voyage en Palestine, est dédiée "au nom de la liberté de toutes les religions".

Il signe ses premiers vitraux.

Deux vitraux monochromes.

L'ange aux huiles saintes

et l'ange au chandelier.

   

Il a aussi fait deux bas-reliefs en pierre marbrière qui ont pour sujet des psaumes en rapport avec le baptême.

La complainte du Levite exilé

Notre âme, comme un oiseau s'est échappé du filet de l'oiseleur, le filet s'est rompu et nous avons échappé Psaume 124

et le sauveur de David.

Comme languit une biche après l'eau vive, ainsi mon âme languit vers toi mon Dieu Psaume 42

L'église Notre Dame de toute Grâce est située au Plateau d'Assy (commune de Passy - Haute-Savoie).

Ce hameau est situé à 1 200 mètres, au pied des Fiz et en face du Mont-Blanc.

C'était le hameau des sanatoriums (Établissement spécialisé dans le traitement de la tuberculose sous ses différentes formes, situé dans un climat propice).

En 1935, le chanoine Devémy (1896-1981), aumônier du sanatorium de Sancellemoz, eut l'idée de construire une église pour les malades.

Il choisit Maurice Novarina (1907-2002) comme architecte. Celui-ci s'inspira des solides chalets savoyards.

Pour la décoration Le chanoine Devémy, conseillé par son ami le Père Dominicain Marie-Alain Couturier (1897-1954), pour qui "tout artiste vrai est un inspiré", décidèrent de demander à différents artistes de renom, sans tenir compte de leurs croyances ni de leur idéologie politique. Ce que le Père Marie-Alain Couturier appela "la leçon d'Assy".

Les différents artistes qui ont participé à la décoration de l'église Notre Dame de Toute Grâce au Plateau d'Assy sont :

- Jean Bazaine,

- Paul Berçot,

- Paul Bony,

- Pierre Bonnard,

- Georges Braque,

- Maurice Brianchon,

- Marc Chagall,

- Benoît Coignard,

- Marie-Alain Couturier,

- Constant Demaison,

- Adeline Hébert-Stevens,

- Marguerite Huré

- Ladislas Kijno,

- Marcelle Lecamp,

- Fernand Léger,

- Jacob Lipchitz,

- Jean Lurçat,

- Claude Mary,

- Henri Matisse,

- Germaine Richier,

- Georges Rouault,

- Carlo Sergio Signori,

- Théodore Stravinsky.

"Tout artiste vrai est un inspiré... il est préparé, prédisposé aux intuitions spirituelles", disait le Père Dominicain Marie-Alain Couturier dans "la leçon d'Assy", le 4 aût 1950.

"Il s'agissait des plus grands noms du moment, tous habitués à des actions personnelles. Aucun n'a hésité à porter son talent dans le cadre unique de cette église répondant à un programme religieux précis, quelle que soit sa confession", reconnaissait Maurice Novarina dans une conférence en 1996.

Il faut savoir que :

Marc Chagall et Jacques Lipchitz étaient de confession juive.

Lipchitz a signé son travail par ces paroles : "Jacob Lipchitz, juif fidèle à la foi de ses ancêtres, a fait cette vierge pour la bonne entente des hommes sur la terre afin que l'Esprit règne".

Jean Lurçat, Fernand Lerger étaient communistes.

Germaine Richier était athée.

Moi, ce que je venais voir précisemment, ce qui m'attirait, c'était la tapisserie de Jean Lurçat.

Il y avait une chimère et j'adorais la regarder.

La femme et le dragon. Chapitre XII de l'Apocalypse selon Saint-Jean.

Deux grands arbres complètent ce duel : l'arbre du Paradis terrestre et l'arbre de Jessé, transcription figurée de la généalogie de Joseph, époux de Marie.

Petit plus à savoir :

La ville de Passy était un haut lieu climatique au Pays du Mont Blanc. Marie Curie Sklodowska est allée au sanatorium de Sancellemoz, au Plateau d’Assy, en 1934. Elle a rencontrée le docteur Tobé, mais la savante n’a pas résisté plus de quelques jours aux suites de l’irradiation. C’est à Passy qu’elle est morte.

ANNEXE :

LA LECON D’ASSY par le père. Marie Alain Couturier o.p. – 1950

« Voilà donc terminée cette petite église. Avant même qu’elle ne fût achevée, on en aura parlé dans tous les pays du monde. Depuis plus d’un siècle, pour aucune église cela ne s’était vu : les plus somptueuses basiliques ont pu être édifiées sans attirer, dans les milieux artistiques ou même, disons-le, simplement dans les milieux vraiment cultivés, la moindre attention…

D’où vient à cette église de montagne cette universelle et subite gloire? D’être un chef-d’œuvre? Non, mais d’être née d’une idée juste.

Et c’est cela qui a frappé les gens, en tous pays; c’est cette idée très simple que pour garder en vie l’art chrétien, il faut, à chaque génération, faire appel aux maîtres de l’art vivant. Aujourd’hui comme autrefois, et pour l’art religieux comme pour l’art profane : car l’art ne vit que de ses maîtres – et de ses maîtres vivants. Non des maîtres morts, si précieux que soient les héritages.

Rien ne naît ou ne renaît que de la vie. Même la tradition.

Si donc à Assy on a écarté tout ce qui était académique (Écoles, Prix de Rome. Institut), c’est qu’il n’y a plus, dans ces milieux, aucune sève, aucun germe de renaissance authentique.

Si on s’est adressé aux plus grands des artistes indépendants, ce n’était pas par snobisme, parce que ceux-là étaient les plus illustres ou les plus avancés, mais parce qu’ils étaient les plus vivants. Parce qu’en eux abondaient la vie et ses dons et ses plus grandes chances.

Voilà ce qui a frappé les esprits, partout où la nouvelle en est parvenue : cette vie débordante, violente, follement généreuse de l’art moderne allait donc être agréée, bénie par la sainte et vieille et… maternelle Église! … offerte au Christ comme le plus bel hommage! …

C’est là la vraie leçon d’Assy sa seule leçon. Mais là aussi était le risque : on prend la vie où on la trouve et comme elle est.

Or, cette vie de l’art indépendant n’était finalement très chrétienne ni dans ses thèmes habituels, ni dans ses inspirations… Qu’en attendre qui pût être vraiment sacré?

On décida cependant de «parier pour le génie.»

On se disait : «Tout artiste vrai est un inspiré. Déjà par nature, par tempérament, il est préparé, prédisposé aux intuitions spirituelles : pourquoi pas à la venue de cet Esprit lui-même qui souffle, après tout, où il veut? Et tu entends sa voix… Mais tu ne sais ni où il va ni d’où il vient… »